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Le français populaire d’Abidjan, étude de démodialectologie

Mariette Meunier-Crespo

Publié le 14 juin 2007 Mis à jour le 6 juillet 2016

Tome I : Des données empiriques à l’objet d’étude, la constitution d’un corpus de démodialectologie. Tome II : Le corpus.

Le français écrit est un objet culturel entouré d'une grande dévotion qui tend à le conserver dans ses fortifications grammaticales et lexicales. En revanche, le français parlé ordinaire, qui participe des variétés régionales, des argots, des sociolectes et des technolectes est ressenti comme l'exemple à ne pas suivre. Dans le meilleur des cas, on le trouve vert, régional, argotique, branché, pittoresque en somme. Dans le pire, on l'accuse de menacer la langue de dégénérescence.

Ce sentiment passionnel envers la langue conduit à l'amalgame des deux espèces sous lesquelles se présente toute langue de grande communication : d'une part les systèmes complexifiés de la langue standard et de la langue littéraire, d'autre part la langue réellement parlée, d'essence dialectale, multiforme et régie par des lois spécifiques.

Etudier une variété dialectale du français comme le français populaire d'Abidjan (FPA) suppose en premier lieu un examen attentif des termes qui le désignent.

La dénomination de français populaire n'est qu'un pis aller, consacré par l'usage. Nous avons vite constaté que ce parler ne relève pas des catégories de patois, sabir, créole ou pidgin. Les catégories de « français zéro » ou « variété véhiculaire » proposées par les créolistes nous semblent plus adéquates.

Le FPA nous est apparu comme le parler commun aux ivoiriens et à tous les migrants africains qui se retrouvent dans le creuset linguistique qu'est Abidjan. Nous avons choisi de le dénommer à titre provisoire : « démodialecte », terme qui présente l'avantage de laisser ouvert le champ de la recherche.

C'est dans les démodialectes que se manifestent les lois fondamentales du français, avec leurs flottements, écarts ou fautes, comme il plaira de les appeler, selon le point de vue que l'on adopte. On y voit les propositions de langue, signes de tensions et parfois de failles dans le bricolage diasystématique de tout parler actuel. Nous avons étudié le système verbal du FPA sur corpus enregistré et intégralement transcrit et montré le « jeu » que peut se permettre une langue pour atteindre son objectif premier : l'intercompréhension.

Editions du Centre d'Etudes Linguistiques de l'Université Jean Moulin - Lyon 3
Parution 1994