Marie Bizais-Lillig est maître de conférences en études chinoises à l’Université de Strasbourg et membre de l’UR1340-GÉO. Son projet de recherche sur la circulation des savoirs dans la Chine du premier millénaire (Chi-Know-Po) est hébergé par l’Usias (2021-2024). Elle est actuellement en délégation au CNRS et participe à la direction collégiale du consortium Huma-Num Distam en vue de favoriser l’essor des humanités numériques en études aréales.
 

L’anthologie de poésie antique du Shijing 詩經 (Poèmes) mentionne plusieurs centaines de plantes dont les noms perdent leur transparence sémantique à travers l’espace et le temps. Les commentaires attachés aux Poèmes ne négligent pas ce lexique spécialisé, certains se concentrant exclusivement sur certains types d’objets, par exemple d’herbes ou d’animaux, mentionnés dans ces textes. Or, ce faisant, les commentaires ne se contentent pas de proposer des gloses établissant des équivalences entre les signifiants présents dans les Poèmes et d’autres signifiants jugés correspondre aux mêmes signifiés. Ils s'appuient sur diverses sources lexicales, techniques et encyclopédiques, pour décrire ces plantes et leurs usages.
Il en résulte que les commentaires expliquent moins l’interprétation symbolique associée à une plante dans un poème que la manière de préparer cette plante en vue de la consommer – sans oublier de préciser ses qualités gustatives et ses effets physiologiques. En usant de telles stratégies, le commentaire se place donc à la charnière entre les savoirs textuels des lettrés et les savoirs de la vie quotidienne.

Nous examinerons comment quelques commentaires de différentes époques impériales opèrent de manière persistante pour faire surgir une forme d’art culinaire.